SAINT-VICTOR DE PARIS (ÉCOLE ET ABBAYE DE)

SAINT-VICTOR DE PARIS (ÉCOLE ET ABBAYE DE)
SAINT-VICTOR DE PARIS (ÉCOLE ET ABBAYE DE)

SAINT-VICTOR DE PARIS ÉCOLE & ABBAYE DE

Guillaume de Champeaux, archidiacre et écolâtre de Notre-Dame, avait fondé une communauté qui fut à l’origine de l’abbaye Saint-Victor de Paris. Guillaume avait renoncé, en 1108, à toutes ses charges pour se retirer, avec quelques disciples, dans un ermitage situé sur les bords de la Seine, hors des murs de Paris mais à proximité immédiate de la ville, et dédié au martyr saint Victor. Lorsque, en 1113, Guillaume fut élu évêque de Châlons, le roi Louis VI le Gros érigea Saint-Victor en abbaye de chanoines réguliers et lui accorda une importante dotation. Protégé aussi bien par la monarchie et par l’épiscopat français que par la papauté, le nouveau monastère prit rapidement un remarquable essor. L’école que Guillaume de Champeaux y avait ouverte, et qu’avait fréquentée Abélard, son adversaire, ne tarda pas à accueillir un grand nombre d’étudiants, venus de toute l’Europe, et à devenir un des foyers intellectuels les plus brillants de la chrétienté. Elle dut surtout son renom à une pléiade de maîtres qui furent à la fois exégètes, théologiens, philosophes, mystiques ou poètes, et parmi lesquels Hugues (mort en 1141), Achard (mort en 1170/71), Richard (mort en 1173), André (mort en 1175) et Adam de Saint-Victor (mort vers la fin du XIIe s.) sont les plus connus. Cette école devait être cependant peu à peu éclipsée par les nouveaux établissements d’enseignement qui allaient constituer, en l’an 1200, l’université de Paris. Mais les Victorins ne cessèrent pas d’entretenir d’étroites relations avec le monde universitaire auxquels ils appartenaient. Dès le XIIe siècle, en effet, ils avaient été chargés de la pénitencerie des étudiants parisiens et avaient exercé à ce titre un ministère dont Jacques de Vitry, au début du XIIIe siècle, parle avec admiration.

L’abbaye exerçait cependant son influence jusqu’en des régions beaucoup plus lointaines. Modèle de régularité religieuse, elle avait eu de bonne heure, sous sa dépendance, une douzaine de prieurés. Mais elle avait été aussi appelée à réformer d’anciennes communautés canoniales ou à en fonder de nouvelles. Dès la première moitié du XIIe siècle, elle s’était donc trouvée à la tête d’une fédération d’abbayes de chanoines réguliers, élargie encore au cours du XIIIe siècle, dont les monastères étaient implantés aussi bien à Paris (Sainte-Geneviève) ou dans la région parisienne qu’en Normandie, en Angleterre, en Champagne, en Picardie, en Berry, dans les Flandres, ou même en Italie et au Danemark. Cette première congrégation victorine, gouvernée par des chapitres généraux tenus périodiquement, subsista, au moins en droit, et malgré de nombreuses vicissitudes, jusqu’à la réorganisation de l’ordre canonial par le pape Benoît XII en 1339. Plusieurs abbayes de moniales avaient également adopté la règle et les usages de Saint-Victor et avaient constitué de la sorte une branche féminine de l’ordre, qui subsiste encore de nos jours.

Durant la seconde moitié du XIVe siècle et tout au long du XVe, l’abbaye parisienne connut une existence difficile. Plusieurs projets de réforme furent alors élaborés. Finalement les Victorins se décidèrent, en 1513, à prendre la tête d’une nouvelle congrégation canoniale, établie en France par Jean Mombaer (Mauburnus), chanoine de Windesheim, aux alentours de l’an 1500, et à laquelle s’étaient déjà agrégés plusieurs monastères ayant appartenu à la première fédération victorine. Mais les troubles du temps, les guerres de Religion et l’introduction de la commende ébranlèrent peu à peu cette seconde congrégation de Saint-Victor, qui devait disparaître au début du XVIIe siècle. Dès 1622, en effet, le cardinal de La Rochefoucauld, chargé de la réforme des ordres religieux, avait voulu rassembler tous les monastères de chanoines réguliers de France en une congrégation unique dont le centre aurait été l’abbaye Saint-Victor. Mais les Victorins s’opposèrent à cette réforme centralisatrice. C’est l’abbaye Sainte-Geneviève qui prit alors la tête de la nouvelle congrégation, et l’ancienne congrégation de Saint-Victor fut officiellement dissoute le 9 mai 1633. L’abbaye connut alors un lent déclin. Deux religieux, cependant, allaient encore l’illustrer, mais de manières très différentes. Le premier, Jean-Baptiste Santeul (1630-1697), poète et courtisan, se fit en effet connaître par des poésies latines et des proses liturgiques très goûtées de ses contemporains. Le second, Simon Gourdan (1646-1729), admirateur et ami de Rancé, adversaire des jansénistes, tenta par ses exemples et par ses écrits, mais sans aucun succès, de ramener ses confrères aux austérités et à la ferveur de leur règle primitive. L’abbaye, très appauvrie à la fin du XVIIIe siècle, fut supprimée lors de la Révolution française. Les bâtiments conventuels et l’église abbatiale, reconstruite au début du XVIe siècle, furent vendus comme biens nationaux en 1797 et 1798, puis bientôt démolis. Seule fut sauvée de la destruction une grande partie de la très riche bibliothèque qu’avait fréquentée Rabelais et dont les manuscrits et les livres furent recueillis par diverses bibliothèques parisiennes. Le site de l’abbaye, longtemps occupé par la halle aux vins, l’est aujourd’hui par une des universités de Paris.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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